lundi 11 avril 2016

Spèrme


Autobiographie de Michel Polnareff


C'est ce qu'on appelle, en langage marketing, un achat compulsif. Samedi soir, je flâne au rayon livres, d'un supermarché quelconque et regarde les dernières parutions. Mes yeux se posent sur cette belle couverture noire, sur laquelle on découvre pour moitié, un Polnareff pensif, accoudé à une console, dans un studio d'enregistrement et sur l'autre partie, le titre « Spèrme », écrit en caractères rouges, sauf deux lettres blanches, le S et le M.

Je fus surpris par la locution utilisée, comme titre. Jamais, je n'ai vu d'accent grave, ni aigu d'ailleurs, sur ce mot. Une coquetterie d'auteur, sans doute, qui laisse entrevoir aux lecteurs, que le contenu de l'ouvrage allait être riche en révélations croustillantes. Qu'importe, je suis tombé dans ce piège commercial et ai mis le livre dans mon panier. Je me pressai de rentrer, afin de tout savoir sur cet artiste, ô combien important, dans le petit monde de la chanson française.



Une fois bien installé, j'ai soupesé plus le livre. Un doute m'habita d'un seul coup. Comment après cinquante ans de carrière, un chanteur peut-il condenser son autobiographie, en deux cents pages ? N'importe quel ouvrage traitant d'une aussi longue vie artistique mériterait au minimm un traitement sur le double. Mais ne vendons pas la peau de l'amiral (c'est comme cela que ses fans le surnomment), avant de l'avoir lu. Il n'a certainement conservé que le suc de sa vie et n'a pas encombré inutilement le lecteur de scories.

Las, rien de neuf sous le soleil. Il se répète beaucoup. Il est premier prix de conservatoire, en piano. Son père était un tyran. Il s'est pris de nombreuses dérouillées étant enfant. Il aime les femmes. Il aime les femmes et je crois qu'il aime les femmes. Le chanteur revient d'entrée de jeu, sur la sordide histoire vécue à la naissance de son fils, qui en réalité était d'un autre père, mais aujourd'hui jure-t-il, tout va bien dans sa petite famille. Nous comprenons très bien qu'il a une haute estime de lui-même et était sûr de devenir quelqu'un d'important quand personne ne croyait en lui. Qu'il a passé près de mille jours enfermés au Royal Monceau, à en devenir presque aveugle et a jeté son dévolu sur la vodka, avant de passer au Whisky, lors de ses seules sorties de sa chambre, en direction du bar. C'est un perfectionniste qui peut mixer plus de cent fois le même titre.  Nous raconte l'histoire de la photo de l'Olympia, les fesses à l'air. Revient sur son arrivée aux USA, sans un sou en poche, ruiné par un homme d'affaire véreux, mais a les moyens de vivre à Los Angeles (sic). « Lettre à France » fut composée dans un restaurant de New-York, un soir de déprime, la mélodie notée sur un coin de nappe en papier. Son bonheur de retrouver son public, en 2007, lors d'une tournée triomphale, avec en point d'orgue de ce retour, un grand concert pour le 14 juillet, devant plus d'un million de spectateurs.

Lorsque j'étais au collège, puis au lycée, il m'est arrivé de lire de petits ouvrages appelés « Profil d'une oeuvre », à défaut de me farcir tout un roman qui ne me plaisait pas. A la fin de ce « Sperme », j'eus la même sensation. Je suis capable de raconter Polnareff, dans les grandes lignes, sans rien en savoir. Cette autobiographie pourra satisfaire les novices, mais si vous avez déjà vu « Un jour, un destin », consacré au chanteur à lunette noire, alors, vous pouvez vous passer de ce livre. Vous n'y apprendrez rien.

Quant au titre, je n'y vois qu'une éjaculation littéraire précoce. Rien de plus.


Olivier Vadrot

lundi 21 mars 2016

La jeune fille et Gainsbourg

Constance Meyer a vécu avec un joli secret, pendant près d'un quart de siècle. Jeune adolescente de quinze ans, elle rencontra Serge Gainsbourg, gràce à une lettre glissée sous la porte du 5 bis, rue de Verneuil, en tomba éperdument amoureuse, au cours de leur premier dîner et partagea l'intimité du créateur de "Je t'aime moi non plus", de 1985 jusqu'à sa disparation, en mars 1991.

A l'opposé des biographies traditionnelles, qui nous rapportent des propos glanés ça et là, l'auteure nous fait pénétrer dans le secrêt du quotidien de l'artiste, dans ce qu'elle a vu, entendu, senti ou ressenti.


Ce livre ce lit, autant qu'il se regarde. Tel un scénario de cinéma, on suit Gainsbourg - jamais Gainsbarre -  au fil de sa vie, des soirées passées à la maison, quand il cuisine au beau milieu de la nuit ou lors de visites surprises au commissariat du quartier, venu avec force bouteilles de Champagne et jambon de pays. On assiste à l'écriture du scénario de "Charlotte for ever", dicté en une nuit, à une dactylo venue avec sa machine à écrire et installée dans la bibliothèque, au premier étage du petit hôtel particulier. 

Surtout, nous découvrons, pour ceux qui en doutaient encore, un Lucien Ginzburg terriblement humain, d'une rare gentillesse et extrêmement généreux, avec ceux qui croisaient sa route. Rares sont ceux qui ouvrent leur porte aux inconnus et file des billets de cinq-cent balles, aux mômes ayant attendus sous la pluie, afin qu'ils puissent rentrer chez eux en taxi, après avoir dit leur admiration au chanteur.

Constance Meyer a retrouvé l'âme de ses quinze ans pour écrire ce récit. A la fin du livre, quelques pages recopiées de son journal intime, nous plongent dans les battements de son coeur pour celui qui avait quarante ans de plus qu'elle, mais qui ne l'a jamais considérée comme une enfant. C'est beau, parce que c'est sain. L'amour consenti et partagé n'a pas d'âge.

Olivier Vadrot