lundi 13 novembre 2017

Damien Saez à corps et à cris

Damien Saez à corps et à cris



   Je dois bien l'avouer, je suis passé totalement à travers l'information de la sortie d'une biographie consacrée à Damien Saez, il y a déjà deux ans. Les voies du web n'étant pas impénétrables, j'ai découvert l'existence de ce livre, au hasard de mes lectures numériques. Je me suis donc empressé de le commander.



   Autant le dire de suite, j'aime Damien Saez depuis son premier album "Jours étranges", paru en 1999 et ne manque jamais la parution d'un nouvel opus. Cet artiste est un mystère. Peu de prises de paroles publiques. Pas d'interviews dans les médias. Promotion minimale. Et pourtant des disques qui se vendent plutôt bien, dans un marché atone, mais aussi et surtout de grandes salles de concerts qui affichent "complet" à chaque tournée. Quelle est la clé d'une telle réussite ? 

   Je reçois donc la biographie de Saez, écrite par Romain Lejeune. Ce livre court, environ 150 pages, explique de manière concise, claire et précise, quel est le parcours de l'artiste, de sa naissance à Sisteron, en passant par Paris, Dijon ou Châtillon sur Seine. Des blessures de l'enfance, à la recomposition du foyer avec un beau-père aimant, des espoirs suscités par ses prix d'interprétation au piano, ses premiers textes, ses premières mélodies enregistrées sur une cassette, des rencontres décisives avec la manageuse de Zazie ou le coup de pouce de William Sheller, tout est dans le livre. 

   L'auteur a fait un vrai travail de journaliste en rencontrant l'artiste et les personnes proches de lui. De ces discussions nait un portrait sans concession. On apprend ce que l'on pressentait, Saez est un artiste solitaire qui donne tout pour la musique, l'écriture et le studio. Enragé de poésie et de composition, il ne sait faire que ça. Exigeant et compliqué dans ses rapports à autrui, son entourage personnel et professionnel est parfois soumis à des tempêtes émotionnelles qui laissent des traces.  Mais ça, c'est l'artiste...

   En ce qui concerne l'homme, la médaille a bien sûr un revers. Au moment de la sortie de son premier disque, Damien ne rechignait pas à passer quelques jours de vacances chez Pascal Nègre, à Saint-Tropez; il vit actuellement dans Paris du côté de Saint-Michel (alors qu'on l'aurait volontiers imaginé à Belleville ou République); que le bar de l'hôtel Costes (lieu branché et inaccessible par "les populaires") le reçoit très souvent et qu'il se gave de séries américaines. 

  Quoi qu'il en soit, le livre de Romain Lejeune nous présente un artiste sincère et pétri de contradictions, mais n'est-ce pas après tout, le propre de l'Homme ? Arthur Rimbaud détestait la guerre et pourtant il finira par vendre des armes. Est-ce que cela entache son génie littéraire ? Non, bien sûr. Alors on pardonnera à Damien Saez ses excès, ses erreurs et ses emportements. On ne gardera que la poésie et l'émotion que l'on ressent en écoutant ces vers : "Il n'est rien de plus beau qu'aimer l'autre bien plus qu'on s'aime soi".

Olivier Vadrot

"Damien Saez à corps et à cris" Romain Lejeune
Ed Braquage (160 pages)